Πέμπτη 8 Σεπτεμβρίου 2016



Eric Hobsbawm, historien franc-tireur, est mort
Le Monde.fr | 01.10.2012 à 14h17 • Mis à jour le 02.10.2012 à 14h33 | Par Philippe-Jean Catinchi
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"Je suis quelqu'un qui n'appartient pas totalement à l'endroit où il se trouve." Cet aveu de l'historien britannique Eric Hobsbawm, lâché au fil de son autobiographie, Interesting Times (2002), formidablement traduite sous le titre Franc-tireur (Ramsay, 2005), dit bien l'atypie de l'homme, du savant et du militant qu'il fut jusqu'à sa mort, à Londres, lundi 1er octobre, à l'âge de 95 ans.
Né au début du "court XXe siècle" (1914-1991) qu'il définit magistralement dans L'Age des extrêmes, un ouvrage traduit dans près de quarante langues, Eric Hobsbawm fut d'abord l'essayiste aigu de ce "long XIXe siècle" - 1789-1914 - qu'il scruta en historien des sociétés plutôt qu'en historien du social. Le premier des paradoxes de cet immense érudit : Britannique - quoique né en Egypte et originaire d'Europe centrale ; juif que ni la culture, ni la pratique, ni les références confessionnelles ne concernèrent vraiment ; marxiste impénitent quoique d'une impeccable lucidité sur le divorce toujours plus net entre ses idéaux et les transformations du monde.
Polyglotte et cosmopolite, ce fils de père anglais - Percy Obstbaum, avant que l'orthographe du patronyme ne soit altérée - et de mère autrichienne - Nelly Grün - naît dans le sultanat d'Egypte, à Alexandrie, le 9 juin 1917, au sein d'une famille petite-bourgeoise qui rêve d'une aisance évanouie. Eric grandit en Autriche, à Vienne. Il garde de cette jeunesse dans la vieille capitale austro-hongroise réduite à nourrir ses fantômes de grandeur une adhésion profonde à l'universalisme qui le coupe de toute tentation communautariste comme de toute fascination raciale. Orphelin à 14 ans, il est recueilli par sa tante et s'installe à Berlin, où il assiste à la faillite du régime de Weimar, à la crise qui ruine le peuple et à la brutalisation de l'action politique. Cela conduit le jeune Hobsbawm à rejoindre les mouvements communistes lycéens et à distribuer des tracts contre Hitler à l'heure où flambe le Reichstag. Il n'a pas 16 ans. Ses tuteurs quittent alors Berlin ; Eric suit et s'installe en mars 1933 à Londres, qui devient sa ville de résidence, même s'il voyagera toujours énormément, en Espagne, en Italie, en Amérique, tant anglo-saxonne que latine, en France, bien sûr, qu'il visite chaque année hormis pendant l'occupation nazie, et s'attribue volontiers comme "seconde patrie".
Elève à la St Marylebone Grammar School et au King's College de Cambridge, où il étudie l'histoire, Hobsbawm s'enflamme à Paris pour le succès du Front populaire et adhère dès 1936 au Parti communiste britannique. Il y restera fidèle quasiment jusqu'à sa dissolution, en 1991. Sans doute en raison de cet aspect "décalé" que pointait l'historien français Christophe Charle, qui voit cet écart tant dans sa vie que dans ses choix méthodologiques ou ses interprétations historiques et jusque dans ses prises de position politiques. Indifférent à la frénésie orthodoxe qui décima les rangs des militants communistes, Hobsbawm est préservé de toutes les dérives totalitaires, protégé par sa conscience d'être un "aristocrate communiste". De fait, sa tiédeur à rompre avec l'idéal de ses 20 ans - alors même que tous ses compagnons quittent le parti après le coup de Budapest en 1956 - lui sera reprochée jusqu'à la fin.
Pour l'heure, Hobsbawm est dans la ligne du parti. Il milite et joue les prosélytes. Si un service militaire sans gloire le retient dans un cantonnement insulaire, il est remarqué par l'historien économiste Michael Postan (1899-1981), qui lui prédit un grand avenir par sa capacité à théoriser et ses convictions internationalistes, d'une rare énergie. La guerre froide va démentir la fulgurante carrière annoncée. Comme son ami George Rudé (1910-1993), spécialiste de la Révolution française, qui perd son poste d'enseignant dès 1949, dans un mouvement d'épuration qui préfigure un maccarthysme à l'anglaise, Hobsbawm doit ronger son frein. Sa carrière universitaire est réellement entravée sans être tout à fait au point mort.
Chargé de cours du soir au Birkbeck College en 1947, il n'obtient le poste de professeur qu'en... 1970. Mais rien ne stérilise son engagement de chercheur. Avec d'autres historiens marxistes, Rodney Hilton, Christopher Hill et Edward P. Thompson notamment, il fonde en 1952 la revue Past & Present, dont l'influence dans le développement de l'histoire sociale fut déterminante au Royaume-Uni, puis très vite dans le monde entier. Mais loin d'en faire une spécialité sur laquelle d'autres capitalisent, Hobsbawm joue les francs-tireurs, travaillant sur les briseurs de machines à l'aube de l'ère industrielle comme sur la mythologie du bandit social ou sur le jazz - il signe alors du nom de Francis Newton, Frankie Newton étant un trompettiste qui accompagna Billie Holiday et fut un des rares jazzmen communistes -, se présentant non sans malice comme un "antispécialiste dans un monde de spécialistes".
Marqué par son activisme berlinois et son empathie passionnée pour les opprimés, il refuse la mythologie romantique du hors-la-loi et relit la figure du bandit comme un marginal que son idéal de justice ou d'équité prépare à la revendication d'un monde plus juste.
CHANTIERS SANS FRONTIÈRES
De Primitive Rebels (1959, trad. fr. 1963) à Bandits (1968, trad. fr. 1972), il bouleverse les conventions, comme lorsqu'il s'attache à établir l'invention des traditions fondant ces discours nationalistes qui préparent le gouffre noir du XXe siècle (Nations et nationalismes depuis 1780 : programmes, mythe et réalité, 1990, trad. fr. 1992). De son imprégnation marxiste, il conserve aussi le goût des chantiers sans frontières. Invitant l'histoire culturelle, encore à naître, dans l'histoire sociale, au nom d'une perception intuitive qui ne l'abuse jamais et le rend méfiant envers toute doxa hégémonique, il se défie de la microstoria qui naît en Italie et goûte peu l'histoire des mentalités que les tenants des Annales imposent en France. L'ampleur de la vision d'un Braudel lui convient mieux et les grandes sommes qu'il livre (L'Ere des révolutions [1962, trad. fr. 1970], L'Ere du capital [1975, trad. fr.1978], L'Ere des empires [1987, trad. fr. 1989]) travaillent résolument le temps long.
L'oeuvre a pris une telle ampleur que la reconnaissance internationale se fait universelle : Hobsbawm a très vite été reconnu aux Etats-Unis, enseignant au Massachusetts Institute of Technology, puis à la New School for Social Research de New York, et la France l'accueille bientôt, l'historien économique Clemens Heller l'invitant à animer un séminaire d'histoire sociale à l'EHESS. Finalement, en 1998, Hobsbawm entre, après David Hockney et Peter Brook, dans le cercle fermé de l'Ordre des compagnons d'honneur, pour service éminent rendu à la culture britannique.
Toutefois, l'effondrement du monde communiste et le repentir très relatif de l'historien sur son engagement font de ses dernières publications des livres qui embarrassent ceux-là mêmes qui soutenaient sa liberté de pensée. A l'heure où la France, qui l'a si fidèlement traduit, succombe à la vision de François Furet (Le Passé d'une illusion, 1995), la nouvelle somme que propose Hobsbawm, L'Age des extrêmes : le court XXe siècle (1994), peine à trouver un éditeur et il faut l'engagement du Monde diplomatique, au côté des éditions Complexe, pour que le livre paraisse, en 1999 seulement.
Depuis, la figure de l'historien engagé, militant déçu mais témoin implacable n'a pas cessé de captiver et la qualité de sa plume, la finesse de ses analyses, son humour inentamable, sans désarmer ses détracteurs, ont su rendre à l'historien franc-tireur sa juste place. A part, forcément, mais au plus haut.
  • Philippe-Jean Catinchi
    Journaliste au Monde





















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